District 9 : ce que la SF doit à la réalité

18 septembre 2020 à 15h46
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SFF Disctrict 9

Comment l'humanité pourrait gérer l'arrivée de plusieurs millions d'extraterrestres qui n'ont aucune possibilité de repartir sur leur planète ? C'est ce que nous allons découvrir avec notre film de la semaine.

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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.

District 9 (2009)

de Neil Blomkamp

L'actualité du 7ème Art n'est pas des plus passionnantes ces derniers temps. En attendant de retrouver les sièges moelleux des salles de cinéma et de découvrir les nouveautés SF en attente sur les étagères des studios, je vous propose de vous replonger dans une oeuvre sortie il y a un peu plus d'une dizaine d'années et qui n'a pas pris une ride.

Dans ce film, les extraterrestres ont débarqué un peu par hasard au dessus de Johannesburg en Afrique du Sud. Au lieu de prendre contact et de les accueillir dignement, l'humanité a préféré les parquer depuis 20 ans dans un immense bidon-ville : le District 9. C'est là-bas que nous nous rendons pour cette chronique.

"Il s'agit d'expulser pratiquement 1,8 millions de crevettes de leurs maisons actuelles."

Le film nous immerge d'emblée dans son univers en prenant la forme d'un documentaire. On suit les activités de Wikus Van de Merwe, fonctionnaire d'une multinationale appelée MNU et chargée de déloger les près de 2 millions d'aliens, baptisés "crevettes" par la population, pour l'emmener dans un autre camp soi-disant plus sûr.

Notre "héros" est un imbécile, raciste et heureux de jouir de son misérable petit pouvoir pour asservir une race différente qu'il considère comme inférieure. Il aura fallu moins de cinq minutes de film pour que je le haïsse profondément, davantage encore à chaque fois qu'il s'adresse aux extraterrestres et les rabaisse.

Les humains présentés à l'image possèdent tous les pires défauts que l'on peut retrouver dans notre espèce. Violents, barbares, avides, prétentieux ou tout simplement abrutis, il n'y a pas un de mes semblables qui trouve grâce à mes yeux. Tout cela a évidemment pour but de nous placer du côté des aliens et nous faire adhérer à leur cause.

© Metropolitan Films
© Metropolitan Films

"Tout ce truc est sous votre baraque ?"

C'est durant ces premières minutes que l'on fera la rencontre de Christopher Johnson, un alien qui depuis son arrivée sur Terre cherche à la quitter en construisant une navette lui permettant de rejoindre le vaisseau mère, toujours en suspension au-dessus de la capitale sud-africaine. La raison ? Sauver son fils d'une mort certaine sur notre planète décidément hostile.

Le réalisateur se refuse à adopter un design trop anthropomorphique pour ses aliens et leur donne un look très particulier et assez rare dans le cinéma mainstream, qui tient plus de l'insecte que de l'humain. Leur langage est également composé de cliquetis incompréhensibles, et fort heureusement pour nous sous-titrés. Pourtant on comprendrait sans mal ce qu'ils disent même sans traduction.

Tout passe par le regard, très expressif, des « crevettes ». La caméra se pose très régulièrement sur eux, à la recherche de leur peur, de leur colère mais aussi de l'amour entre le père et son fils. Entièrement réalisés en images de synthèse, celle-ci n'empêche pas l'empathie envers ses réfugiés qui cherchent simplement à survivre.

"Va te faire foutre, on est pas pareils !"

À la suite d'un incident, Wikus Van de Merwe, qui se transforme progressivement en crevette, va découvrir le vrai visage de son employeur. Ce dernier cherche en effet à l'utiliser pour mettre la main sur de l'armement alien à revendre au plus offrant ; normal quoi.

Notre « héros » trouvera refuge chez Christopher Johnson et les deux devront faire équipe pour s'échapper.

C'est à ce moment précis que District 9 ne cherche plus à simplement dénoncer le racisme mais devient un vrai film en colère. La mise en scène est encore plus nerveuse qu'au départ, constamment en caméra à l'épaule et cherche à nous faire ressentir le chaos installé dans le bidon-ville. Pour amplifier ce sentiment d'insécurité, le film multiplie constamment les points de vue. Chaines d'info en direct, caméras de surveillance, drones, hélicoptères de l'armée mais aussi vue à la première personne depuis les armes des militaires, le metteur en scène ne nous ménage pas lors de la cavale des deux héros.

La mise en scène cherche également à donner de la chair au District 9. Les extraterrestres se sont faits à leur environnement et l'ont investi. On voit régulièrement du business réalisé avec des gangs locaux, de la criminalité jusqu'à la prostitution inter-raciale. Les baraques et les rues grouillent de détails. La ville pue, suinte et on le ressent constamment à l'écran.

© Metropolitan Films
© Metropolitan Films

"Je te réparerais mais je dois d'abord sauver les miens."

La quête de Wikus Van de Merwe et de Christopher Johnson ne sera pas de tout repos et ils devront affronter à la fois les milices de la MNU mais aussi un redoutable gang qui cherche à récupérer l'humain. Pour s'en sortir, ils pourront compter sur les armes extraterrestres toutes plus puissantes les unes que les autres.

Les scènes d'action sont bourrines et intenses mais jouissives. Le réalisateur ne lésine pas sur le sang qui gicle et les corps qui explosent, notamment lors d'une scène mettant en scène un mécha qui tend vers le jeu vidéo comme lorsque un joueur défouraille des dizaines d'ennemis à l'aide d'une arme lourde. C'est exactement la même sensation retranscrite à l'écran et c'est tout simplement jubilatoire.

Neil Blomkamp et son producteur Peter Jackson ont visiblement la rage et la rejettent directement à l'écran en faisant sauter la cervelle de leurs congénères racistes dans un univers de cinéma où tout est possible.

"C'était pas la peine que j'endure tout ça si c'était pour rien"

C'est dans une explosion inouie de violence que se terminera District 9, mais pas avant d'entrevoir un minuscule espoir dans un dernier plan empli d'une certaine poésie désenchantée.

Ce film m'a laissé sur les rotules, tout autant abasourdi par l'incroyable démonstration visuelle et technique qu'émotionnellement vidé par son propos. Il m'est impossible à chaque visionnage de quitter l'oeuvre le sourire aux lèvres mais seulement la gorge nouée et le cœur serré.

Je vous invite donc à découvrir ou à vous replonger dans les ruelles sordides de District 9, un de ces rares films qui prend aux tripes et vous accompagne aussi après le générique de fin.

© Metropolitan Films
© Metropolitan Films

District 9 est disponible en DVD, Blu-Ray et VOD chez Metropolitan Films et à la demande sur Amazon Prime Video.

Mathieu Grumiaux

Grand maître des aspirateurs robots et de la domotique qui vit dans une "maison du futur". J'aime aussi parler films et séries sur les internets. Éternel padawan, curieux de tout ce qui concerne les n...

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Grand maître des aspirateurs robots et de la domotique qui vit dans une "maison du futur". J'aime aussi parler films et séries sur les internets. Éternel padawan, curieux de tout ce qui concerne les nouvelles technologies.

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Commentaires (35)

jlbiset
Un très grand film en effet.<br /> Mais attention à une violence très crue, à ne pas mettre sous tous les regards.<br /> Du grand cinéma néanmoins.
Kahn-San
ah oui j’avais adoré, il faut que je le regarde à nouveau, il m’est un peu sorti de la tête<br /> super film effectivement, entre SF et réalité
GRITI
Il me tente depuis longtemps mais je n’ai jamais franchi le pas. La chronique m’a bien donné envie. Merci!
talex
Un de mes meilleurs films de SF, très bien monté, très prenant<br /> j’ai moins aimé Chappie du même réalisateur je crois
GRITI
Chappie a été une agréable surprise pour moi. J’en garde un bon souvenir.
Kahn-San
Chappie était pour moi très sympa aussi, plus grand public (moins de violence, même s’il en contient) donc peut laisser une impression d’inachevé
Zakalwe
Prophétique.
Maga83
J’adore ce réalisateur, y’a pratiquement rien à jeter dans sa filmo.
GRITI
En film SF avec robots ou aliens, j’ai bien aimé Extiction et Captive State. Avec une mention pour ce dernier.<br /> Je n’attendais rien de particulier mais j’ai passé de bons moments.<br /> Edit:<br /> Je suis allé voir sa filmo. A priori, District 10 est prévu en 2020. Bon peut-être 2021 avec la crise sanitaire…<br /> J’ai vu Elysium il y a longtemps et j’avais été déçu.
smover
Ce film est absolument génial.<br /> D’abord parce que c’est un excellent film de SF, je ne vais pas y revenir.<br /> Ensuite parce que son approche particulièrement originale du racisme est complètement en décalage avec les traitement habituel et fait réfléchir intelligemment.<br /> Vraiment un travail brillant, et j’espère que si suite il y a elle saura se montrer à la hauteur d’une telle pépite !<br /> Merci Clubic pour cette chronique !
Maga83
GRITI:<br /> J’ai vu Elysium il y a longtemps et j’avais été déçu.<br /> Yep, on va dire que c’est son film commercial.
AlexLex14
Un top film District 9 je le range sans hésiter dans mon Top 3 des meilleurs films SF car au-delà du scénario et de l’excellente réalisation, les thématiques sociales abordées apportent un réel truc en plus au film, bien loin des clichés de la SF pure hollywoodienne.<br /> Merci Mat’ pour cette piqûre de rappel
c_planet
Ce ne sont pas des races différentes mais des espèces différentes.<br /> Sinon perso, j’ai pas apprécié tout de suite à cause d’un bête apriori (pas blockbuster avec voix du héro vf plutôt adaptée au burlesque).
BraveHeart
C’est bizarre, je n’y ai jamais vu réellement un film de SF, à cause de l’origine d’une grande partie de l’équipe, sud-africaine, et du nom même du film qui fait référence à l’apartheid…
GRITI
BraveHeart:<br /> à cause de l’origine d’une grande partie de l’équipe, sud-africaine,<br /> C’est-à-dire ?
Maga83
GRITI:<br /> C’est-à-dire ?<br /> Que @BraveHeart n’a rien compris au film.
BraveHeart
Que cela m’évoquait plus Peter Gabriel et son hommage à Biko …et que le nom même du film est en lien direct avec le D6…en clair, que c’est un film qui lorgne bien plus vers la lutte anti apartheid que vers la SF…un peu comme Blade Runner qu’on catalogue comme SF mais qui relève bien plus de Dashiell Hammett…la SF n’est qu’un saupoudrage…
GRITI
C’est quoi la SF alors?
BraveHeart
Vaste question, et je ne sais même pas s’il existe une seule définition …1984 ou 20 000 lieues sous les mers, est-ce de la SF ?
GRITI
Il me semble que Dracula était considéré comme de la SF quand le livre est sorti la première fois.<br /> Un essai de définition:<br /> https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/lettres/bibliotheque/qu-est-ce-que-la-science-fiction--725946.kjsp
Kahn-San
la SF est un style, tu mets tout ce que tu veux dedans (comme l’horreur, la romance, …)<br /> c’est juste une façon d’aborder un sujet en le traitant différemment d’un film «&nbsp;réaliste&nbsp;» une touche de science (ou supposée science dans certains cas) pour rendre le tout plus attrayant pour certains publics<br /> pour moi la SF ce n’est pas un thème de film, mais juste la façon de traiter le sujet<br /> comme ici on remplace les étrangers par des extraterrestres et hop on a un sujet sérieux mais traité graphiquement/stylistiquement différemment
julla0
Je pense au contraire qu’il a tout compris.<br /> C’est clairement un film anti apartheid!
Maga83
C’est plus compliqué que ça… réduire le truc à l’apartheid est un raccourci…à l’époque du tournage… il y avait de GROS problèmes avec Namibie, le Zimbabwe, le Botswana… et à l’heure actuelle l’affaire n’est toujours pas réglée.<br /> Ça dépasse une affaire de Noirs et Blancs mais l’Afrique du Sud (un pays riche à l’européen) et les voisins qui crèvent la dalle et qui émigrent en masse dans le dit pays.<br /> Et engendre du racisme…entre Noirs.<br /> Source : https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/20/l-afrique-du-sud-un-pays-de-migrants_6023640_3210.html
julla0
Le film date de 2009 et les aliens sont arrivés en 80 on est donc bien loin des considérations actuelles.
BraveHeart
réduire le truc à l’apartheid est un raccourci<br /> Ah bon…<br /> io9<br /> District 9 Really Is All About Apartheid<br /> No, it's really not a coincidence that a movie from a South African director, District 9, has aliens being treated like second-class citizens. In a new interview, Peter Jackson explains that yes, the movie really is all about apartheid. Spoilers?<br /> LeMagduCine – 3 Mar 19<br /> Critique du film District 9 : nous sommes tous des crevettes sud africaines |...<br /> Critique du film District 9 de Neill Blomkamp. A Johannesburg, Afrique du Sud, l'histoire d'un fonctionnaire chargé de démanteler un gigantesque bidonville occupé par un million de réfugiés extraterretres.<br /> Le Monde.fr – 15 Sep 09<br /> "District 9" : les extraterrestres débarquent en Afrique du Sud<br /> Dans son film d'action rondement mené, Neill Blomkamp inscrit en filigrane une critique sociale de l'apartheid.<br /> villagevoice.com<br /> Aliens as Apartheid Metaphor in District 9 | The Village Voice<br /> The aliens have been with us for 20 years already at the start of South African director Neill Blomkamp’s fast and furiously inventive District 9,...<br /> https://edition.cnn.com/2009/SHOWBIZ/Movies/08/31/district.nine.blomkamp/index.html
BraveHeart
Je ne sais pas réellement ce que c’est…on séparait par exemple l’anticipation (type 1984), mais la SF peut varier.selon les époques…20 000 lieues sous les mers était de la SF à a sa sortie, un sous-marin n’existait pas…ensuite, cela devient de l’anticipation…mais ensuite cela redevient du steampunk, donc de la SF…bien malin qui s’y retrouve…c’est un peu comme la séparation entre SF technologique et la fantasy/sword and sorcery…la fantasy est-elle de la SF ? Non, normalement…bon, en tout cas c’est un très bon film…et c’est là l’essentiel !!
Blackalf
s-f = science-fiction, donc selon moi, «&nbsp;une certaine science qui n’existe pas, ou pas encore&nbsp;» ^^<br /> De ce point de vue, il n’est pas possible de créer par exemple les replicants de Blade Runner, donc c’est de la s-f
arghoops
On veut une suite !!!
Jetto
C’est plus une allégorie de notre monde qui utile la SF comme excuse.<br /> J’ai l’impression que le sujet des populations déplacées, parquées et opprimées n’a jamais été aussi actuel.<br /> La différence avec la SF c’est que les personnes déplacées n’ont pas de technologie à négocier, elles n’ont aucune chance d’être sauvées de l’extérieur, ni de retourner d’où elle viennent.
Persi
Si je salue la performance, Moi cet sorte de sf hyper réaliste me donne la nausée.
BraveHeart
dans l’absolu, oui…mais le sujet du mode de création des réplicants n’est pas forcément la thématique du film, même si se pose la question de la définition de l’humanité…BR lorgne plus vers le genre Noir, avec un flic désabusé et vaguement alcoolo, qui tombe amoureux, est chargé d’une enquête où finalement le bad guy n’est pas forcément un bad guy…c’est une trame de film noir à la sauce SF
Popoulo
Oui et ?
Mathieu_G
Effectivement j’aurai pu ajouter le mot dans l’article, en gras, et le surligner pour m’éviter ce genre de commentaire désagréable mais j’ai préféré compter sur la culture et l’intelligence des lecteurs, plutôt que d’en remettre une couche sur le parallèle avec l’apartheid, évident comme le nez au milieu de la figure.
yeerum
Ne pas le mentionner pour «&nbsp;éviter d’en remettre couche&nbsp;» pourrait traduire une sorte de lassitude (pour ne pas dire un certain désintérêt) à traiter le sujet, hors il s’agit bien du propos de fond du film. Quant à la culture et l’intelligence, on en diffuse jamais assez hein, on en a bien trouvé un «&nbsp;lecteur cultivé&nbsp;» pour poster que «&nbsp;réduire le truc à l’apartheid est un raccourci&nbsp;». Clubic est en un site de technophiles pas de sociologues, les références ne sont donc évidentes pour tous, la preuve…<br /> Pour finir (rapidement) supprimer mon commentaire pour «&nbsp;«&nbsp;désagrément&nbsp;»&nbsp;», c’est petit.
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