Les GAFA face au Congrès américain : notre recap d'une audition historique sous serment

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
30 juillet 2020 à 17h03
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Mark Zuckerberg, le 29 juillet 2020 (Capture d'écran)
Mark Zuckerberg, le 29 juillet 2020 (Capture d'écran)

Accusés d'être trop puissants et monopolistiques, les patrons de Google, Apple, Facebook et Amazon ont répondu aux questions et invectives des membres du Congrès, mercredi.

Sundar Pichai (Alphabet, maison-mère de Google), Tim Cook (Apple), Mark Zuckerberg (Facebook) et Jeff Bezos (Amazon) ont pris part, à distance certes mais sous serment, à une audition historique, mercredi 29 juillet. Les dirigeants des quatre géants du numérique, pesant à eux seuls environ 5 000 milliards de dollars, ont répondu aux questions de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, au terme d'une enquête sur de potentiels abus de position dominante, qui aura duré un an.

Google, ouverte à l'idée « d'examiner certaines situations »

Durant plus de cinq heures, un peu à la façon des boxeurs, Pichai, Cook, Zuckerberg et Bezos ont encaissé les coups, certains plus durs que d'autres, et plus marqués notamment pour les patrons de Google et de Facebook. L'audition de ce mercredi, qui n'avait pas de portée juridique immédiate, était destinée à confronter les grands acteurs du numérique américain et mondiaux face aux pratiques monopolistiques et anticoncurrentielles auxquelles ils s'adonnent depuis plusieurs années. Débutons ce tour de table par Google et Facebook, qui concentrent la grande majorité des recettes publicitaires numériques.

La décla' 💪

Dès les premières minutes de l'audition, David Cicilline, Président démocrate du sous-comité sur la concurrence, s'est montré très actif et n'a pas hésité à mettre sous pression les quatre leaders.

« Les pratiques utilisées par ces entreprises […] découragent l'entrepreneuriat, détruisent des emplois, augmentent les coûts et dégradent la qualité », a-t-il déclaré en visant les GAFA. « Elles ont trop de pouvoir ».

Le représentant David Cicilline a commencé par rappeler que Google était devenu le portail d'accès à Internet, tout en précisant que l'entreprise « abuse de son pouvoir », la comparant à un « jardin clôturé ». Pour le législateur, « Google s'assure, quasiment, que toute entreprise qui veut être trouvée en ligne doive payer une taxe à Google ».

En réponse à ces propos et à d'autres questions, qui concernaient par ailleurs la liberté ou non que s'accorde Google de déclasser telle ou telle entreprise de son moteur de recherche (comme la plateforme d'avis des internautes Yelp), Sundar Pichai, le président-directeur général du géant et de sa maison-mère Alphabet, a indiqué qu'il serait ravi d'examiner diverses situations, et d'y revenir. Gêné et bousculé, Pichai a ouvert une porte.

Interrogé ensuite par le camp républicain, qui redoute que Google prenne parti pour Joe Biden pour l'aider à se faire élire face à Donald Trump, Sundar Pichai a promis une totale équité de son entreprise. « Nous soutenons les deux campagnes. Nous abordons notre travail de manière non partisane », a-t-il répondu.

Zuckerberg, gêné face à des mails prouvant sa vision d'Instagram comme une « menace » juste avant son rachat

Du côté de Facebook, le principal intérêt des membres de la commission était d'entendre Mark Zuckerberg au sujet des grosses acquisitions du roi des réseaux sociaux, Instagram en tête. Jerry Nadler, le président de la commission, estime que Facebook a vu en Instagram une menace, et que c'est pour cette raison que le réseau social de la photo a été racheté par Facebook en 2012.

Sur ce sujet, le Congrès américain a confronté Mark Zuckerberg à des mails échangés en interne, en 2012, dans lesquels il jugeait véritablement Instagram comme étant bien une « menace ». Deux mois plus tard, le rachat était effectif. Hésitant et cherchant parfois ses mots, le boss de Facebook a répondu qu'à l'époque, Instagram n'était qu'une petite et banale application de partage de photos.

Le « Zuck » a aussi admis avoir « certainement adapté des fonctionnalités que d'autres ont pu introduire », au moment de répondre à la représentante démocrate Pramila Jayapal, qui cherchait à savoir combien d'entreprises Facebook a pu plagier ces dernières années. « Je ne sais pas », lui a simplement répondu le principal intéressé, qui semblait tendu.

Jeff Bezos, le 29 juillet 2020 (Capture d'écran)
Jeff Bezos, le 29 juillet 2020 (Capture d'écran)

Bezos ne nie pas un accès aux données des vendeurs tiers d'Amazon par ses employés

Le fait que Jeff Bezos soit auditionné par les membres du Congrès était particulièrement intéressant. C'est en effet la première fois que le fondateur et patron d'Amazon prenait part à l'exercice. Et quelle première ! Pendant près d'une heure, l'entrepreneur aura brillé par… son absence. Et c'est souvent très décontracté et sûr de lui que le dirigeant a répondu aux questions de la commission.

S'il fut moins échaudé que Mark Zuckerberg et Sundar Pichai, celui qui est à la tête du géant mondial du e-commerce s'est quand même vu demander si son entreprise utilisait les données des vendeurs de sa marketplace pour prendre des décisions commerciales, se basant sur les récentes révélations du Wall Street Journal, qui avait relayé les dénonciations d'anciens employés de la firme qui affirmaient qu'Amazon se servait des données des revendeurs pour proposer ses propres produits en meilleure place et à des tarifs plus intéressants.

Étonnement, et sans sourciller, Jeff Bezos n'a pas (complètement) botté en touche, en ne niant pas les allégations. Toutefois, le milliardaire a indiqué que l'entreprise prendra des mesures contre celles et ceux qui auront violé la politique de l'entreprise.

Tim Cook, épargné mais pas oublié

S'il n'a pas eu droit à des questions aussi déstabilisantes que les trois autres dirigeants, Tim Cook, le P.-D.G. d'Apple, a tout de même dû apporter des réponses concernant l'App Store. La boutique est accusée par certains développeurs de modifier de façon arbitraire ses règles et ainsi de privilégier certains outils à d'autres. Cook a alors assuré que les règles « s'appliquent de la même manière à tout le monde ».

Sur la réduction des commissions versées par les développeurs accordée à certaines entreprises plus précisément, comme Amazon Prime ou Baidu, le président-directeur général de la firme à la pomme a réitéré sa précédente réponse. Enfin, il s'est tu sur la collecte de données de l'App Store, qui permettrait à Apple de développer des applications spécifiques, ne se sentant pas suffisamment à l'aise sur le dossier.

Les vacances seront studieuses pour les membres de la commission, qui pourraient remettre leur rapport sur les accusations de pratiques antitrust à la fin de l'été ou, au plus tard, au début de l'automne. Des propositions de réglementation de l'activité des GAFA devraient y figurer.

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM), pour écrire, interroger, filmer, monter et produire au quotidien. Des atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la prod' vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et Koh-Lanta :)

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Commentaires (9)

Savysan
Bon article, neutre et factuel. Si seulement Clubic pouvait en faire de même sur les autres sujets de politique intérieure américaine…
ABC
Les GAFA, sous prétexte de servir l’humanité, sont devenus des super puissances plus riches que la majorité des états qui tuent la concurrence et les alternatives.<br /> En plus de jouer les Big Brother au service de leurs intérêts ou de ceux du plus offrant. Ce n’est plus du business quand la liberté de chacun et la démocratie peut être atteinte (ex. : Facebook lors des dernières élections américaines… ).<br /> Cerise sur le gâteau, ils captent tout, y compris la majeur partie des impôts (hyper optimisation fiscale) qui seraient actuellement très utiles pour faire face à la crise du coronavirus.<br /> Trop c’est trop, non seulement il faut les démanteler, mais des sanctions sévères doivent tomber, pas seulement des amendes qu’ils peuvent honorer sans problèmes avant de recommencer. Quand les amendes ne sont pas annulées avec leurs armées d’avocats…<br /> Comment se fait-il qu’un voleur de voiture se retrouve derrière les barreaux quand des gens qui détournent des milliards sont reçus sur le tapis rouge ? Deux poids, deux mesures…
DarkMikah
Et pourquoi sont-ils devenus des super puissances plus riches que la majorité des états… ?<br /> Parce que la concurrence (et notamment les jeunes entreprises) choisissent de se faire racheter<br /> Parce que les gens choisissent d’utiliser leurs produits<br /> Parce que les gens choisissent de ne pas regarder ailleurs…<br /> Personne n’est contraint de leur donner de l’argent, mais la plupart des gens choisissent de le faire pour se simplifier la vie.<br /> Ils ont certainement des actions douteuses (comme les membres de ce congrès américain sans doute ;-), mais au final c’est le peuple du monde qui leur a VOLONTAIREMENT donné leur fortune…<br /> Ce n’est que mon avis.<br /> bises à tous!
carinae
oui tout simplement parce qu’il n’y a pas vraiment le choix.<br /> les gens choisissent d’utiliser leur produits. C’est vrai mais en même temps ces mêmes boites dominent tellement le marché que la concurrence n’a plus que des miettes … quand elle existe encore … parce que ces mêmes entreprises n’hésitent pas a racheter voir couler leur concurrents quand ça les arrangent …<br /> Ça me fait un peu penser a Microsoft … obligé de venir au secours d’Apple pour éviter de se retrouver en situation de monopole … sauf que la … la loi étant certainement plus permissive de nos jours la situation de monopole ne gène plus grand monde …
GeorgesC
de mon point de vue, si une société en compétition se laisse racheter, c’est parce que leur innovation n’était pas si puissante que ça, sinon ils refuseraient le rachat.<br /> rien de bien grave ici. facebook et autres (sauf amazon), sont en train de creuser leur propre tombe auprès des moins de 45 ans à cause de leur gestion des données personnelles.<br /> le numérique est certes l’avenir, mais ces grosses sociétés sont vieillissantes et n’innovent guère. on est libre de ne pas utiliser leur «&nbsp;service&nbsp;».<br /> je ne suis pas contre amazon personnellement, très pratique, mais il faudrait plus de projets et d’initiatives nationales. la vente de produits locaux semble bien se développer.<br /> rien à redire, le monde évolue lentement vers la bonne direction.
rexxie
Et Microsoft? C’est le pire et le plus hypocrite. GAFAM.
kroman
Ils ont vraiment défendu Yelp ? Cette boite est une mafia !<br /> Elle force la main à tous les petits commerces pour souscrire à leurs services payants en les harcelant au téléphone. Et s’ils ont le malheur de dire non, les avis négatifs se trouvent mis en avant et les avis positifs masqués…
lapin-tfc
Elles n’innovent guère… je suis soufflé… ils n’ont jamais autant innové et innoveront encore bien plus, ils ont une force de frappe hors du commun en innovation et ne s’en privent pas
GeorgesC
des exemples ? les gadgets et les usines à gaz (dont ils sont les rois) ne sont pas des innovations, plutôt le contraire d’ailleurs.
lapin-tfc
Non ca c’est ton avis, ce que tu appelles usine à gaz = innovations pour d’autres<br /> Quelques exemples : google messages : diffusion du RCS pour remplacer le SMS<br /> Google WebRTC qui est à l’origine de la diffusion de l’audio et et de la vidéo directement dans le navigateur, IA dans Gmail pour la rédaction, etc…<br /> Toutes les innovations Cloud de Amazon depuis 4 ans etc… la liste serait impressionnante<br /> Que tu n’aimes pas ces groupes est une chose mais renier l’innovation de ces groupes faut vraiment le vouloir et être de mauvaise foi
GeorgesC
quel rapport entre webrtc et google ? webrtc est open source donc indépendant de google.<br /> après quelques recherches il semble que le protocole RCS semble venir du GSMA et non pas google. de plus il s’agirait aussi d’un protocole open source, les services google ne sont en général pas open source, et si ils le seraient, rien ne rendrait google irremplaçable, car ce ne serait pas une exclusivité de cette société.<br /> l’ia de google pourquoi pas, à ce jour je ne vois rien de très important pour l’avenir, il me faudra des exemples précis, gmail n’est qu’un service centralisé parmi tant d’autres.<br /> amazon avec AWS est réellement intéressant, mais je n’ai jamais inclus amazon dans la liste des sociétés vieillissante qui selon moi disparaitront. j’aime bien amazon comme expliqué auparavant.<br /> je n’ai pas vu les contributions de facebook dans votre message ?<br /> je ne fais que constater comme toujours, il ne s’agit pas de mauvaise fois puisque j’ai pris vos exemple et démontré qu’il ne s’agit que de réalisations non liées au sociétés ou minimes, microscopiques en comparaison de ce qui est fait du côté de l’open source.<br /> toutes sociétés en ligne/digital ne survit que parcequ’elle propose un service et des produits intéressants, et le service proposé par facebook, apple, google…et d’autres ne se renouvelle pas, il ne s’agit pas de mauvaise fois, je suis ouvert à la liste complète des nouveautés utiles de ces sociétés, mais elle demeure malheureusement absente, ce n’est pas faute de la chercher. à ce jour l’existence de ces sociétés ne semble pas faire sens, et l’avenir de ces sociétés qui n’évoluent pas doit être la faillite. il faut faire preuve d’objectivité et ne pas se laisser aveugler par des préjugés.
lapin-tfc
Vous pouvez décrire les soi disant «&nbsp;gadgets&nbsp;» de ces groupes ?<br /> C’est vrai que du côté de l’open source tout ce qui équivalent à Gdocs ou Office est très… innovant…
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