Rocket Lab Neutron : une fusée réutilisable pour satellites, vols habités et interplanétaires

Rocket Lab Neutron : une fusée réutilisable pour satellites, vols habités et interplanétaires

C’est bon une casquette ?

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

02/03/2021 7 minutes
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Rocket Lab Neutron : une fusée réutilisable pour satellites, vols habités et interplanétaires

Rocket Lab va finalement venir jouer sur les platebandes de Soyouz avec son lanceur Neutron capable d’emporter jusqu’à 8 tonnes de charge utile en orbite, d’aller vers la Lune, Mars et Vénus. Comme d'autres, la société mise sur le réutilisable pour réduire ses coûts et accélérer la cadence.

La société américaine (d’origine néo-zélandaise) s’est lancée en mai 2017, avec un raté pour sa première mission « It’s a test ». Un peu moins d’un an plus tard, en janvier 2018, elle réalisait avec succès son second lancement, baptisé « Still Testing ». Rocket Lab a ensuite enchainé les réussites avec son lanceur Electron, du moins jusqu’à sa treizième mission « Pics or it didn't happen » qui s’est soldée par un échec.

Pas de quoi décourager ses équipes qui réussisaient à nouveaux moins de deux mois plus tard avec la mission « I can't believe it's not optical ». En novembre 2020, elles parvenaient à « récupèrer » le premier étage d'une fusée, dont la chute dans l’eau avait été ralentie par un parachute.

Elle doit maintenant réussir à l’attraper en plein vol avec un hélicoptère pour aller au bout de son idée. 

Depuis, les missions « The owl's night begins » et « Another one leaves the crust » se sont déroulées avec succès. Alors que d’autres lancements sont d’ores et déjà programmés pour les semaines à venir, la société vient d’annoncer une nouvelle fusée réutilisable – Neutron – avec laquelle elle change de registre.

Neutron Rocket Lab

Elle succédera à Electron, qui revendique être « la deuxième fusée américaine la plus fréquemment lancée chaque année depuis 2019 », avec six lancements en 2019, sept en 2020, et permettra d’envoyer des charges plus importantes en orbite, de proposer des vols habités et même d’aller vers d’autres planètes.

Neutron, un lanceur pensé pour les méga-constellations…

Alors qu’Electron permet de lancer en orbite de petits satellites pesant jusqu'à 300 kg, « Neutron transformera l'accès à l'espace pour les constellations de satellites », et proposera aussi une solution dédiée pour des charges utiles commerciales et gouvernementales plus importantes, affirme l’entreprise.

Cette fusée ne vise pas à concurrencer les lanceurs lourds (encore moins des monstres comme Falcon Heavy) et se veut au contraire une solution intermédiaire : « plus grand ne veut pas toujours dire le meilleur lorsqu'il s'agit de déploiements de constellations », affirme Peter Beck, le CEO de Rocket Lab. « Développer efficacement des méga-constellations nécessite le lancement de plusieurs satellites par lots sur différents plans orbitaux », ajoute-t-il.

Les constellations de plusieurs centaines (ou milliers) de satellites ont le vent en poupe ces derniers temps. Il y a évidemment SpaceX avec Starlink qui a déjà plus d’un millier d’engins en vol et qui a commencé la commercialisation de ses services, mais aussi OneWeb et Lightspeed de Telesat.

Ce dernier vient de confier la construction des satellites à Thales Alenia Space. Les premiers modules doivent être mis en orbite par un concurrent : New Glenn de Blue Origin, un lanceur lourd.

… mais qui pourrait emporter 98 % des satellites 

Bien évidemment – du moins selon le patron de l’entreprise – Neutron serait justement « idéalement dimensionné pour déployer des satellites par lots sur des plans orbitaux spécifiques ».

Sa taille intermédiaire lui donnerait plus de flexibilité dans les cadences de vols… même si sur ce point SpaceX n’est pas franchement en retard : la société arrive à enchainer les missions comme les petits pains si besoin. Selon Rocket Lab, Neutron « sera capable d’emporter 98 % des satellites dont le lancement est prévu jusqu'en 2029 ».

De quoi lui ouvrir la porte à de nombreux contrats potentiels ; reste maintenant à passer de la théorie à la pratique et à remplir les carnets de commandes. 

40 mètres de haut, 4,5 mètres de diamètre

D’un point de vue technique, cette nouvelle fusée prend la forme d’un lanceur à deux étages d'une hauteur totale de 40 mètres, avec un carénage de 4,5 mètres de diamètre et une capacité charge utile de 8 tonnes maximum en orbite basse. Elle peut aussi emporter jusqu’à 2 tonnes sur la Lune, ainsi que 1,5 tonne vers Vénus ou Mars. 

Pour rappel, Ariane 5 peut emporter une vingtaine de tonnes sur une orbite basse (± suivant les versions), contre 22,8 tonnes pour Falcon 9 de SpaceX, qui peut aussi emmener 4 tonnes vers Mars. De l’autre côté du tableau, nous avons Vega avec jusqu’à 2,5 tonnes en orbite basse seulement.

La fusée s’approchant le plus de Neutron serait donc Soyouz, avec 5 tonnes en orbite basse. Des détails manquent par contre à l’appel, notamment au niveau des moteurs utilisés par Neutron.

Neutron Rocket Lab

Premier étage réutilisable, lancement à partir de 2024

Le premier étage pourra venir se reposer sur une plateforme dans l’océan, puis servir à d’autres lancements par la suite. Rien n’est précisé concernant le coût de remise en état avant un nouveau lancement.

Dans un second temps, elle pourra également servir à envoyer du ravitaillement et des humains dans la Station spatiale internationale… sans aucun détail supplémentaire sur la capsule qui sera utilisée. Dans tous les cas, ce n’est pas sans rappeler Falcon 9 de SpaceX, même si la société est déjà en train de préparer la suite avec Starship.

Pour rappel, l’Europe prépare aussi la relève avec Vega-C et Ariane 6 (que nous avons longuement détaillée dans notre second magazine), mais aucune des deux fusées n’est réutilisable. Les travaux sont en cours avec le démonstrateur Themis et le moteur Prometheus, mais le premier vol d’essai (un simple bond) n’est prévu qu’en 2022, pour une utilisation commerciale aux alentours de 2030 si tout va bien.

Le premier lancement de Neutron est pour 2024, depuis une base située au NASA Wallops Flight Facility aux États-Unis (en Virginie). Jusqu’à présent, les missions Rocket Lab décollaient du Launch Complex 1 en Nouvelle-Zélande. 

Rocket Lab en bourse, Peter Beck « mange son chapeau »

Dernier point et pas des moindres : Rocket Lab annonce sa fusion avec le fonds d’investissement Vector Acquisition Corp et son entrée prochaine en bourse, sous l’identifiant RKLB du Nasdaq. Elle vise une valorisation à 4,1 milliards de dollars et pense que cette opération sera terminée au second trimestre de l’année. 

Pour terminer sur une note plus légère, on peut voir le patron de la société « manger son chapeau » (ou plus précisément un petit bout de sa casquette passée au mixeur) dans la vidéo ci-dessous. Pour expliquer son geste, Il rappelle que la société avait en effet affirmé qu’elle ne ferait jamais de fusée plus grosse que son Electron.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Neutron, un lanceur pensé pour les méga-constellations…

… mais qui pourrait emporter 98 % des satellites 

40 mètres de haut, 4,5 mètres de diamètre

Premier étage réutilisable, lancement à partir de 2024

Rocket Lab en bourse, Peter Beck « mange son chapeau »

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Commentaires (3)


Les expressions données aux missions font penser aux noms loufoques des vaisseaux UCG dans le Cycle de la Culture (Iain M. Banks), sympa !


Il me semble que manger le chapeau était lié au fait de faire du réutilisable, pas de faire une plus grosse fusée.


Rocketlab fait de l’excellent boulot, une coopération avec SpaceX pour la lune et mars serait énorme.