Ingenuity : première nuit seul sur Mars, le drone prêt pour l'envol

Ingenuity : première nuit seul sur Mars, le drone prêt pour l’envol

Jusqu’ici tout va bien…

Avatar de l'auteur
Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

06/04/2021 6 minutes
23

Ingenuity : première nuit seul sur Mars, le drone prêt pour l'envol

Maintenant qu’Ingenuity est posé à la surface de Mars, la NASA procède aux derniers préparatifs avant de tenter le premier vol autonome de son drone. Plusieurs essais sont prévus. Si tout se passe comme prévu, des drones pourraient être présents dans les futures missions, avec un rôle bien plus important dans l’étude des astres.

Sur Mars, le giravion Ingenuity est désormais seul posé sur le sol de la planète. Il vient de passer sa première nuit à l’extérieur. Une bonne nouvelle pour la NASA qui parle même « d’une étape majeure ».

Rappelons que, même si la France est touchée par une vague de froid en ce début avril, ce n’est rien comparé à une nuit martienne où la température peut descendre jusqu’à - 90°C.

Les conséquences peuvent être dramatiques,  comme le rappelle l’Agence spatiale américaine : de telles températures peuvent « geler et fissurer des composants électriques non protégés, et endommager les batteries embarquées nécessaires pour le vol ».

Maintenant que cette étape est derrière nous, la suite se prépare avec un « mois » dédié au drone : « Dans les jours à venir, Ingenuity sera le premier engin à tenter un vol motorisé et contrôlé sur une autre planète ». En effet, la planète rouge, et n’importe quelle autre planète du système solaire, n’a pour le moment eu droit qu’à des atterrisseurs et des rovers, aucun drone.

Ingenuity toujours « en vie » après sa première nuit par -90°C

« Concevoir un engin assez petit pour tenir sur le rover, assez léger pour voler dans la mince atmosphère de Mars, mais suffisamment robuste pour résister au froid martien a présenté des défis importants », explique la NASA.

Ingenuity était en effet installé sous Perseverance, et ne pèse que 1,8 kg sur Terre (contre l’équivalent de 0,68 kg sur Mars). Ses mensurations sont également très petites : le fuselage mesure 13,6 x 19,5 x 16,3 cm, contre 1,2 mètre de diamètre pour les rotors une fois déplié. Les quatre pieds mesurent 38,4 cm de long permettant au drone d’être surélevé de 13 cm par rapport au niveau du sol.

Ingenuity Mars
Crédits : NASA

Ingenuity est maintenant « indépendant »…

Afin de laisser le panneau solaire du drone (placé sur le dessus des rotors) récupérer de l’énergie, le rover s’est rapidement éloignée du petit giravion. Avant de couper le cordon, Ingenuity était alimenté par Perseverance, qui le maintenait à une température de 7°C environ.

Le drone doit maintenant alimenter son système de chauffage avec ses propres batteries. Impossible par contre de rester à un « confortable » 7°C comme dans le ventre du rover. Pour économiser l’énergie, sa température tombe à -15°C au maximum. Même s’ils sont maintenant séparés, Perseverance reste le relai de communication avec le drone.

Rappelons que la seule mission d'Ingenuity est d’effectuer des essais en vol dans l'atmosphère de Mars. L'hélicoptère dispose de deux caméras – une en couleur orientée vers l'horizon pour les images du terrain et une en noir et blanc pour la navigation  – mais ne transporte aucun instrument scientifique.

Les images capturées serviront à cartographier les alentours ; un repérage qui pourrait se révéler fort utile à Perseverance. En bref, il ne s’agit que d’une démonstration technologique. En cas de succès, ce genre d’engin pourrait se développer sur Mars et, pourquoi pas, d’autres objets stellaires. 

Ingenuity Mars
Ingenuity sur Mars, avec traces des roues de Perseverance (sur la droite). Crédits : NASA

… derniers préparatifs avant le premier vol, le 11 avril au plus tôt

La suite des opérations se déroulera en douceur. Demain, mercredi 7 avril, les systèmes de maintien de pales des rotors seront enlevés afin qu’il puisse déployer ses ailes. Ensuite, il sera temps de procéder aux essais sur les rotors et les moteurs du drone. La NASA ne va évidemment rien laisser au hasard et vérifier que tous les systèmes sont « ok » avant la moindre tentative.

Cela comprend aussi la centrale à inertie (un dispositif électronique mesurant l'orientation et la vitesse angulaire d'un objet) et les ordinateurs de bord qui seront chargés de piloter l'hélicoptère de manière autonome. Les six batteries au lithium-ion seront également surveillées comme le lait sur le feu durant toute la durée de la mission.

Si la « myriade de tests » se déroule comme prévu et que tous les voyants sont au vert, la première tentative de vol d’Ingenuity pourrait avoir lieu à partir du dimanche 11 avril. Les caméras de Perseverance seront braquées sur le drone afin de capturer ce moment historique. Cinq vols au total sont prévus.

Ingenuity Mars
Ingenuity lorsqu’il était encore sous le rover, à quelques centimètres du sol. Crédits : NASA

La difficulté de voler sur Mars

Voler sur Mars n’est pas si simple qu’on pourrait le penser : « Le record d'altitude pour un hélicoptère volant sur Terre est d'environ 40 000 pieds. L'atmosphère de Mars est seulement un pour cent de celle de la Terre, alors quand notre hélicoptère est sur la surface martienne, il est déjà à l'équivalent de 100 000 pieds sur Terre » expliquait l’Agence spatiale américaine.

Dans tous les cas, le vol sera entièrement autonome, en raison d’une problématique simple : la latence de plusieurs minutes. « Les ingénieurs de vol de l’hélicoptère au JPL ne pourront pas contrôler l’hélicoptère avec un joystick ou consulter les données techniques et les images de chaque vol que bien après le vol ».

Toutes ces opérations doivent se dérouler durant ce que la NASA présente comme le mois d’Ingenuity, c’est-à-dire les 30 jours martiens ou « sols » de la mission. Une journée martienne ou un « sol » dure pour rappel 24,6 heures. Plusieurs vols d‘une durée de 90 secondes et de quelques centaines de mètres sont programmés. 

Le bout du tunnel… avant d’autres drones sur Mars ?

Si Ingenuity fonctionne comme prévu, cela prouvera que « les hélicoptères peuvent avoir un réel avenir [...] pour accéder à des endroits inaccessibles par le sol ». Les rovers disposent en effet d’une marge de manœuvre limitée, tandis que les drones pourraient changer de cratère, dépasser des montagnes, des crevasses, etc.

Ce projet – réalisé « par des étudiants » – d’envoyer un drone sur Mars a été initié en 2013, présenté en vidéo dès 2015, mais officiellement confirmé par la NASA qu’en mai 2018. Huit ans plus tard, ce projet va enfin décoller. Cette Ingenuity coûte à l’Agence spatiale américaine environ 85 millions de dollars.

Écrit par Sébastien Gavois

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Ingenuity toujours « en vie » après sa première nuit par -90°C

Ingenuity est maintenant « indépendant »…

… derniers préparatifs avant le premier vol, le 11 avril au plus tôt

La difficulté de voler sur Mars

Le bout du tunnel… avant d’autres drones sur Mars ?

Fermer

Commentaires (23)


Supercopter S05E01. :cap:


Merci pour l’article !



Mais je me pose la question. Si l’on est pas capable de faire voler un hélicoptère au dessus de 40.000 pieds sur Terre, comment va-t-on pouvoir faire voler un drone sur Mars à une altitude équivalente à 100.000 pieds terrestres.


En effet, quand on en arrive à une atmosphère très peu dense, il n’y a plus beaucoup de portance. La solution, c’est de dimensionner en conséquence. Sur Terre, un drone de 2kg a des pales de l’ordre de 20cm. Pour Ingenuity, ce sont des pales de 1.2m !


alex.d.

En effet, quand on en arrive à une atmosphère très peu dense, il n’y a plus beaucoup de portance. La solution, c’est de dimensionner en conséquence. Sur Terre, un drone de 2kg a des pales de l’ordre de 20cm. Pour Ingenuity, ce sont des pales de 1.2m !


Sachant qu’on pourrait se dire “il suffit” d’augmenter la taille des pales ou la vitesse de rotation du rotor pour augmenter la portance et donc monter plus haut sauf que non, le bout des pales a une vitesse maximale qui ne peut être dépassée. En effet le bout de la pale ne doit pas dépasser le mur du son (si je ne me trompe pas sur la vitesse maximale)



Si on augmenter la longueur des pales alors la rotation du moteur doit réduire.
De ce fait il existe une portance maximale.



L’astuce ici étant que l’engin est extrêmement petit, et extrêmement léger.
Nul doute que sur terre il “pourrait” monter plus haut que les hélicoptères chez nous en imaginant avoir assez d’énergie pour le faire. Donc en gros en le lançant d’une plateforme à 40 000 pieds il pourrait monter plus haut.



Sinon il y a un point qui j’espère ne posera pas de pb sur mars, les vents! Car s’il est ultra léger, il est aussi ultra sensible au vent. Espérons qu’ils trouvent une période sans vent au sol.


Cette remarque en rapport avec la densité de l’air ne parle pas du poids du véhicule qui doit drôlement modifier la puissance à fournir. Ingenuity est beaucoup plus léger qu’un hélicoptère de plusieurs tonnes, d’autant que la gravité est moindre. Sur Terre on voit des drones du commerce (qui pèsent 500g) voler à 5 000m d’altitude parfois 10 000m (soit 30 000 pieds). Les drones Aquila de Facebook étaient prévus pour voler à 90 000 pieds (avec des ailes d’envergure 40m je crois).


Il me semble que ce petit drone ne doit voler qu’à quelques mètres du sol ^^



woodcutter a dit:


Merci pour l’article !



Mais je me pose la question. Si l’on est pas capable de faire voler un hélicoptère au dessus de 40.000 pieds sur Terre, comment va-t-on pouvoir faire voler un drone sur Mars à une altitude équivalente à 100.000 pieds terrestres.




je dit peut être une connerie, mais il me semble que nos copter sont en moteur thermique, ici c’est électrique donc a priori c’est (sur terre) un problème de mélange carburant/oxygène, le moteur électrique ici n’a pas le soucis du coup.


Ce n’est pas seulement un problème de moteur thermique ou électrique.
Sur Mars, la pression est si faible que les pales doivent tourner à 2500 tours/minutes pour le porter. C’est bien plus que ce que pourraient supporter les pales d’un hélicoptère terrestre.


spoil : ça va foirer


Ingenuity est un démonstrateur technique, s’il marche tant mieux mais si ça rate il ne mettra pas en péril la mission de Persévérance.



Par contre s’il arrive à voler, il pourra l’aider dans celle ci.


SebGF

Ingenuity est un démonstrateur technique, s’il marche tant mieux mais si ça rate il ne mettra pas en péril la mission de Persévérance.



Par contre s’il arrive à voler, il pourra l’aider dans celle ci.


Reproduire le mélange atmosphérique martien avec des substituts a pas déjà été fait sur terre en souflerie ou pièce sous vide ?
Si oui il n’y a que le vent qui risque vraiement de poser problème… même en dessous d’un kilo cela reste un projectile… on a prévenu E.T ?



Macqael a dit:


je dit peut être une connerie, mais il me semble que nos copter sont en moteur thermique, ici c’est électrique donc a priori c’est (sur terre) un problème de mélange carburant/oxygène, le moteur électrique ici n’a pas le soucis du coup.




Même sur terre à une certaine altitude, un hélico électrique, ça ne vole plus, pas assez d’air pour la portance (enfin pas assez dense).


Giravion :incline:


J’aurais dit “Aeronef à voilure tournante” :D



Plusieurs choses, tout d’abord la “vitesse du son” est lié à la densité de l’air et la pression voir slide 12 :
http://www-ext.impmc.upmc.fr/~ayrinhac/documents/Physics_of_Red_bull_stratos.pdf



Donc c’est plus compliqué que ça, la gravité plus faible permet de voler avec moins de portance, la faible densité et pression atmo fait diminuer la portance, mais dans le même temps permet des vitesses de rotation plus rapides pour les pâles que sur terre. C’est un sacré défi comme équation.



A titre d’info si vous voulez vraiment vous faire mal au crâne regarder les équations qui expliquent le fonctionnement d’une voilure tournante … C’est pas une honte que de dire qu’on y comprend rien et que moins d’1% de la population arrive à comprendre ces équations ahah !




SebGF a dit:


Il a été testé en environnement reproduit, mais entre le théorique et la pratique y’a un fossé. InSight peut en témoigner avec sa taupe qui s’est cassée les dents. :D



Mais s’il valide le concept, ça ouvrira la porte à des petits frères à coup sûr.



Comme ça Perseverance pourra se faire livrer des updates via drone Amazon.




:yes:



Même en reproduisant les conditions athmo il te reste la gravité qui va impacter le vol (alors oui avec une corde et des ballons et une traction très légère ils abaissent virtuellement la gravité en labo) mais en effet c’est la théorie.
Et quand tu sais que déjà le vol d’un hélico sur terre c’est coton à définir “en théorie” c’est clairement le bordel sur mars.



Si on savait si bien simuler les flux et anticiper tout le domaine de vol d’un hélico ils feraient moins de bruit, le H160 d’airbus est déjà beaucoup plus silencieux mais lors des essais plusieurs vibrations aérauliques inattendues se sont fait sentir… Entre théorie et pratique c’est toujours sport (oubliez pas qu’en plus un hélico est lui même perturbé par l’air chaud qui sors de ses propres turbines et qui varie)



Burn2 a dit:


Sachant qu’on pourrait se dire “il suffit” d’augmenter la taille des pales ou la vitesse de rotation du rotor pour augmenter la portance et donc monter plus haut sauf que non, le bout des pales a une vitesse maximale qui ne peut être dépassée. En effet le bout de la pale ne doit pas dépasser le mur du son (si je ne me trompe pas sur la vitesse maximale)




C’est encore un peu plus compliqué que ça : le bout des pales ne doit pas dépasser la vitesse du son en tenant compte de la vitesse de l’hélico, évidemment. Donc des pales plus longues permettent de voler plus haut, mais moins vite.


La vitesse du son sur mars est différente non ?



(reply:1865464:Idiogène)




Il a été testé en environnement reproduit, mais entre le théorique et la pratique y’a un fossé. InSight peut en témoigner avec sa taupe qui s’est cassée les dents. :D



Mais s’il valide le concept, ça ouvrira la porte à des petits frères à coup sûr.



Comme ça Perseverance pourra se faire livrer des updates via drone Amazon.



SebGF a dit:


Il a été testé en environnement reproduit, mais entre le théorique et la pratique y’a un fossé. InSight peut en témoigner avec sa taupe qui s’est cassée les dents. :D




Une sonde qui fait papa sans maman forcément…




Mais s’il valide le concept, ça ouvrira la porte à des petits frères à coup sûr.



Comme ça Perseverance pourra se faire livrer des updates via drone Amazon.




Dans 50 ans après le 120 ème reboot de star trek diffusé par musksat sur la station lunaire ? Ce sera un détail sur lequel on ne reviendra pas… Comme les sondes viking dont tout le monde se fout si elles ont encore leur plaque et la poubelle ouverte en orbite qui sera bientôt auto-financée.



Il faut profiter de l’exploit quand même, après la poussière va retomber très vite.



(reply:1865476:Idiogène)




Je double post mais en effet c’est différents :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_de_Mach



Donc sur Mars tout change et ça met salement le bordel dans les calculs ^^



darkbeast a dit:


Même sur terre à une certaine altitude, un hélico électrique, ça ne vole plus, pas assez d’air pour la portance (enfin pas assez dense).




Pas faux j’avais pas pensé a la portance, bon bah du coup “c’est de la magiiiiiiiiie” xD


Il y a aussi le problème du panneau solaire qui est petit et doit à la fois charger le moteur + le chauffage et qu’un panneau solaire est 50% moins efficace sur mars.


Il y a un moment Veritasium avait fait une vidéo sur comment l’hélicoptère marche, c’est très intéressant si vous parlez anglais : https://youtu.be/GhsZUZmJvaM



Il explique le problème de la vitesse un peu vite mais montre pourquoi il y a 2 rotor etc


du coup il n’y a pas de fantômes sur mars, triste :( ^^