Les échanges d'astronautes russes et américains continuent malgré un contexte toujours plus tendu

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
22 septembre 2022 à 15h25
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Deux équipages de Soyouz et un de Crew Dragon sont maintenant sur la station. Crédits : NASA/Roscomos
Deux équipages de Soyouz et un de Crew Dragon sont maintenant sur la station. Crédits : NASA/Roscomos

Le décollage de la capsule Soyouz MS-22 hier a attiré de nombreux regards. En effet, malgré les sanctions, menaces et l'escalade de la situation après l'invasion de l'Ukraine, l'astronaute américain Frank Rubio a décollé avec ses collègues russes. Et la cosmonaute Anna Kikina partira de Floride dans deux semaines.

Une alliance réelle ou le retour à la normalité ?

Donne-moi ton siège…

Après les déclarations du printemps dernier et l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les interrogations ont rythmé les six derniers mois quant à l'avenir à moyen terme de la Station spatiale internationale. Mais malgré les échanges de sanctions, il ne s'agit pas non plus de prendre des décisions irréversibles : il y a des travaux en commun en cours dans le domaine des vols habités qui seraient extrêmement pénalisants pour tout le monde à stopper… Les échanges de sièges au sein des capsules américaines et russes en font partie.

L'accord est en réalité attendu depuis 2020 et la mission « Crew-1 » du nouveau véhicule spatial de SpaceX. La Russie attendait plusieurs vols avant d'autoriser ses astronautes à voler côté américain, et les discussions ont pris du temps, en particulier avec le gesticulant ex-directeur de Roscosmos, D. Rogozine. Son remplaçant est bien plus discret…

Les Américains sur Soyouz

Ainsi, dès le mois d'août, Frank Rubio rejoignait la Cité des Étoiles (près de Moscou), validant ses connaissances générales pour prendre place au sein de la capsule Soyouz. Depuis début septembre, il avait rejoint Baïkonour avec Sergei Prokopiev (expérimenté, qui commande la mission) et Dmitri Petelin qui, comme l'astronaute américain, mène là sa toute première campagne spatiale.

Hier, le 21 septembre à 15 h 54 (Paris), leur fusée Soyouz 2.1a s'est élancée dans la soirée kazakhe, dans un ciel clair obscur déchiré par les larges flammes. 9 minutes plus tard, routine des vols spatiaux et délivrance, la capsule était éjectée en orbite basse. Il ne lui fallut ensuite que quelques heures pour rejoindre la Station spatiale internationale… Et dès le début de soirée, l'écoutille était ouverte pour que les 10 occupants de l'ISS puissent célébrer avec force embrassades l'arrivée des nouveaux. Sourires et entraides, des images bien éloignées des chantiers diplomatiques terrestres.

À quelques secondes de l'amarrage, les écoutilles se rencontrent ! Soyouz en bas, et le module Rassviet en haut. Crédits : Roscosmos
À quelques secondes de l'amarrage, les écoutilles se rencontrent ! Soyouz en bas, et le module Rassviet en haut. Crédits : Roscosmos

Et les Russes sur Crew Dragon

Était-ce donc « historique », une « rebuffade sur les sanctions », un apaisement ou une nouvelle alliance comme on a pu le lire ce matin ? Il s'agit au contraire d'un retour à la normale. Après plus d'une décennie sans navettes, les observateurs ont oublié que les Américains ont certes beaucoup utilisé Soyouz pour rejoindre la station, mais qu'il était également fréquent que des Russes fassent le trajet au sein de Discovery, Endeavour ou Atlantis. Le décollage dans quelques jours, le 4 octobre, de la Russe Anna Kikina au sein de Crew Dragon ne sera donc pas plus un symbole.

Ces échanges de sièges s'inscrivent avant tout dans une perspective de sécurité des équipages et de pérennité de la station. En effet, en l'état des choses il faut assurer une permanence russe comme américaine sur l'ISS, et échanger astronautes et cosmonautes permet de garder une présence continue en cas de problème avec l'un des véhicules. L'activation récente du système de sauvegarde d'urgence de la capsule américaine New Shepard vient rappeler que, malgré la fiabilité des véhicules habités, il y a toujours des risques aux vols spatiaux, et ils ne sont pas que politiques.

Source : Spaceflightnow

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (4)

gothax
Merci Éric<br /> « Ces échanges de sièges s’inscrivent avant tout dans une perspective de sécurité des équipages et de pérennité de la station » tu as tout dit.<br /> Les russes sont des pro et sont expérimentés, les américains ont plus d équipages et de navette. La complémentarité est et restera efficace et indispensable.
Bilbo
Un miracle certainement dû au pragmatisme des deux puissances, sans la Russie adieu l’ISS …<br /> Il faut s’attendre à ce que la Russie (tout comme la Chine) produise sa propre station spatiale, ils savent faire …
cid1
Comme tu l’as écrit : « L’entente est dans l’espace » cette expression prend tout son sens ici.<br /> Merci pour tes bons articles.
Squeak
Peut être aussi qu’ils sont plus intelligents que les politiques… Les astronautes Russes (comme d’ailleurs tout citoyen de ce pays) n’ont pas à être tenu responsables de ce qu’un chef de gouvernement veut faire.
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