Le télescope James Webb dévoile la chimie des glaces dans une pouponnière d'étoiles

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
24 janvier 2023 à 16h30
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Les deux étoiles mises en valeur ont permis la recherche : leur lumière passant à travers le nuage moléculaire ont donné l'information de sa composition © NASA / ESA / CSA / M. Zamani (ESA/Webb) / F. Sun (Steward Observatory) / Z. Smith (Open University) / The Ice Age ERS Team
Les deux étoiles mises en valeur ont permis la recherche : leur lumière passant à travers le nuage moléculaire ont donné l'information de sa composition © NASA / ESA / CSA / M. Zamani (ESA/Webb) / F. Sun (Steward Observatory) / Z. Smith (Open University) / The Ice Age ERS Team

En mesurant la composition de glaces interstellaires au sein des régions les plus sombres et froides d'un grand nuage moléculaire, le JWST a détecté toutes les briques nécessaires pour la formation d'eau et de molécules complexes comme les sucres, les alcools et des acides aminés. Un « bon terreau », en somme !

L'étude a impliqué deux laboratoires du CNRS, le PIIM (Laboratoire physique des interactions ioniques et moléculaires) et l'ISMO (Institut des sciences moléculaires d'Orsay).

Et en plus, l'image est jolie

L'extraordinaire moisson scientifique du télescope James Webb se poursuit. Cette fois, il a pointé ses miroirs vers Chameleon I, une région située à 600 années-lumière de la Terre et au sein de laquelle se forment actuellement des dizaines d'étoiles. Ce nuage moléculaire dispose d'espaces avec des gaz chauds et d'autres beaucoup plus froids. C'est sur une zone dense, froide et peu lumineuse que les observations ont pu avoir lieu.

On y retrouve, à des températures proches du zéro absolu (les mesures montrent un impressionnant -263 °C, 10K) des particules et des poussières gelées contenant toute une gamme atomique et moléculaire très intéressante ! Pourquoi ? Déjà parce que ces poussières seront réchauffées lorsque se formeront par accrétion de nouveaux disques avec des proto-étoiles et leurs systèmes. Il s'agit donc de lire la « préhistoire » de systèmes stellaires en observant directement les briques dont ils seront constitués.

Le Chameleon, il est complexe

On y retrouve de la glace d'eau (H2O) ainsi que de nombreuses autres molécules comme du CO et du CO2, du sulfure de carbonyle, mais aussi, et pour la première fois, du méthanol, molécule organique considérée comme complexe. On y suppose également la présence d'éthanol, même si elle n'a pu être prouvée. Ces « briques probiotiques » peuvent mener ensuite à d'autres molécules comme les sucres, les alcools et les acides aminés simples. Elles pourraient donc être beaucoup plus répandues que prévu dans d'autres systèmes stellaires que le nôtre, et surtout, dès l'origine, avant même la formation de leurs étoiles.

C'est bien l'analyse spectrométrique qui permet d'en savoir plus sur ce sombre nuage, mais grâce à la lumière des étoiles derrière ! © NASA / ESA / CSA / J. Olmsted (STScI) / M. K. McClure (Leiden Observatory) / K. Pontoppidan (STScI) / N. Crouzet (Leiden University) / Z. Smith (Open University)
C'est bien l'analyse spectrométrique qui permet d'en savoir plus sur ce sombre nuage, mais grâce à la lumière des étoiles derrière ! © NASA / ESA / CSA / J. Olmsted (STScI) / M. K. McClure (Leiden Observatory) / K. Pontoppidan (STScI) / N. Crouzet (Leiden University) / Z. Smith (Open University)

Sommes-nous tous des poussières d'étoile ? En glace ?

Pour autant, les quantités mesurées de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, d'azote et de soufre sont inférieures à ce qui était attendu, compte tenu de la densité estimée du nuage moléculaire Chameleon I. Pour l'équipe de recherche, c'est lié aux capacités d'observation du JWST, qui a pu faire ces observations uniques en observant la lumière des étoiles derrière le nuage, absorbée par les petits agglomérats gelés de cette région.

« On détecte les glaces grâce à des variations brusques de la lumière stellaire présente en arrière-plan. Dans des régions aussi froides et denses, la plus grande partie de la lumière est bloquée, et c'est grâce à la sensibilité extrême du James Webb que l'on a pu la mesurer… et donc identifier ces glaces », explique le chercheur Klaus Pontoppidan qui a participé à l'étude. La quantité restante des atomes identifiés est sans doute sous une autre forme, soit minérale, soit des poussières très fines (suies).

Source : ESA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (2)

gemini7
Bravo pour cet article super intéressant… courage Eric.
Baxter_X
Incroyable, dingue , impressionant…<br /> Perso, je n’ai pas besoin de religion, il me suffit de m’interresser à ce genre de sujet.
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