« Good Deal » du numérique : comment les télécoms et collectivités veulent « enraciner le Plan France THD »

Battre l'IFER tant qu'il est chaud

« Good Deal » du numérique : comment les télécoms et collectivités veulent « enraciner le Plan France THD »

« Good Deal » du numérique : comment les télécoms et collectivités veulent « enraciner le Plan France THD »

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Hier, Patrick Chaize (sénateur et président de l'Avicca) et Philippe Le Grand (président d'InfraNum) tenaient une conférence de presse afin de proposer ou gouvernement de mettre en place un  « Good Deal » du numérique. L'heure n'est pas au détail, mais aux grandes lignes d'un projet d'envergure pour pérenniser le plan France Très Haut Débit.

Le plan France THD (Très Haut Débit) prévoit pour rappel d'arriver à 100 % de fibre optique (à quelques pouillèmes de pourcent près) d'ici à 2025. Il est aussi question du dé-commissionnement du cuivre à l'horizon 2030. Si la réussite du jalon intermédiaire – 100 % de logements éligibles au THD dont 80 % de FTTH – est source de satisfaction pour les deux intervenants, c'est la suite des événements qui inquiète.

« On n’a pas forcément échoué, mais [...] on n’a pas totalement réussi »

Patrick Chaize résume à sa manière la situation actuelle du plan France THD : « On n’a pas forcément échoué, mais je pense qu’on n’a pas totalement réussi [...] Ce plan est une réussite en soi, mais une réussite inachevée et globalement on en train de salir cette œuvre magnifique ». D'où, selon lui, la nécessité d'agir. 

Les problèmes sont en effet déjà nombreux, notamment sur les raccordements avec le mode STOC (sous traitance opérateur commercial) tant décriés par certains. Des sous-traitants en cascade conduisent à du travail parfois bâclé et réalisé en dépit du respect des procédures. Conséquences : des sacs de nœuds dans les armoires, des clients débranchés pour en installer d'autres, des techniciens payés au lance-pierre, etc.

Mais ce n'est là qu'une partie du problème. « Le système est en train de se bloquer », affirme Patrick Chaize. Il compare le plan France THD à un empilement de briques, qu'il est « complexe à résoudre de façon individuelle » car chaque pièce du puzzle à des influences sur les autres. Bref, « si on veut tenir les objectifs du plan France THD, et compte tenu des échos du terrain, il faut prendre des initiatives ».

L'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel) et InfraNum (une Fédération regroupant plus de 200 entreprises) sont complémentaires et touchent une bonne partie du secteur. Les quatre opérateurs sont présents dans InfraNum, parfois via des filiales, comme nous l'expliquait Philippe Le Grand. Bref, les deux présidents profitent du poids de leur association pour monter au créneau. 

Nouvelle devise pour le FTTH : égalité, pérennité et solidarité

Le projet du jour est axé autour de trois mots clés : 

  • « égalité d’accès numérique entre tous les Français ;
  • pérennité de l’offre de service qui doit pouvoir s’appuyer sur des infrastructures fixes de qualité et résilientes ;
  • solidarité entre les territoires, notamment en veillant à l’exploitation durable des réseaux d'initiative publique (RIP) »

En écho à ces piliers, les deux partenaires du jour proposent des pistes d'actions. Pour commencer, il est question de la création d’un Fonds de Péréquation des Réseaux Optiques. Il sera en charge de « renforcer et sécuriser les réseaux d’initiative publique, et permettre à chaque Français d’accéder à un niveau de service comparable sur tout le territoire ».

Il resterait une dizaine de défis du Plan France Très Haut Débit à relever :

  • « Assurer le raccordement effectif à la fibre optique de tous les logements ;
  • Assurer une migration rapide et apaisée des Français vers la fibre en mettant en place une structure nationale d’accompagnement de la fermeture du réseau cuivre d’Orange ;
  • Accompagner financièrement les particuliers pour leurs éventuels travaux d’accès à la fibre en partie privative ; 
  • Garantir la disponibilité systématique de la fibre dans les logements neufs lors de leur livraison ; 
  • Couvrir les surcoûts d’exploitation liés à la zone RIP (Réseaux d’Initiative Publique) ;
  • Réaliser les investissements de vie du réseau liés notamment à l’augmentation de capacité, à l’élagage, aux dévoiements, aux enfouissements… ;
  • Définir un service universel s’appuyant prioritairement sur la fibre optique ;
  • Relancer la dynamique de la transformation numérique des entreprises ;
  • Soutenir la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;
  • Faire des réseaux optiques de véritables infrastructures essentielles. »

Un Fonds de Péréquation qui pourrait s'appuyer sur la taxe IFER 

Le montant nécessaire est « estimé à plusieurs centaines de millions d’euros à fiscalité constante ». Sur le financement, une piste envisagée est d'utiliser une partie de la taxe IFER. Un mécanisme « complexe » dont l'argent récolté est redistribué aux collectivités et qui pèse actuellement 400 millions d'euros par an environ. Le montant devrait monter à plus d'un milliard d'euros dans les prochaines années ; une partie de cette manne pourrait ainsi être utilisée pour alimenter ce Fonds de Péréquation. 

« Nous pensons que ce surcroit, même s'il est moins important que ce qu'on pressent, soit réaffecté au bénéfice de l'intervention des collectivités pour les pérennités de nos réseaux ». Philippe Le Grand dénonce dans le même temps cette taxe IFER comme étant « injuste et démesurée », mais elle est déjà votée et en place, ajoute Patrick Chaize, justifiant ainsi le fait de s'en servir. Reste à voir si les élus locaux seront sur la même longueur d'onde. 

Patrick Chaize ménage la chèvre et le chou : « Ça fait cinq ans qu’on dépose des amendements sur l’IFER. À chaque fois, on a retrouvé en face les collectivités qui s’opposent à ce que bouge. "On me demande de diminuer ma recette, mais j’ai quoi en échange ?" », demandaient alors les collectivités. Cette fois-ci, une contrepartie est mise en avant, reste à voir si les collectivités accepteront le principe. Patrick Chaize, président de l'association qui rassemble les collectivités locales, semble confiant.

Il ajoute néanmoins que le surplus de la taxe IFER n'est qu'une piste de financement et d'autres solutions peuvent être trouvées ; la discussion est ouverte. Le leitmotiv de cette conférence pour Patrick Chaize était d'ailleurs qu'il « ne faut rien s’interdire. Si on avait toutes les solutions, on ne se poserait pas de question. On ne peut pas fermer telle ou telle porte ».

Une structure nationale pour exploiter les réseaux 

Avicca et InfraNum demandent ensuite la mise en place d’une « structure nationale pertinente pour exploiter durablement le génie civil grâce à la mobilisation d’investisseurs, privés ou publics ». Elle serait ainsi en charge de réaliser « tous les raccordements, y compris complexes », de quoi revoir au passage le fonctionnement et les nombreuses dérives du mode STOC.

Sur la question de la gouvernance de cette structure, plusieurs pistes sont évoquées. La structure pourrait être portée un opérateur, par la Banque des territoires, etc. « Ce sera forcément une gouvernance complexe et complète », précise Philippe Le Grand. Dans tous les cas, cette question arrive un peu trop tôt pour Patrick Chaize car « on est au début de l'histoire ». 

Enfin, le dernier point concerne « l’adaptation des tarifs sur le marché de gros dans les zones rurales afin de contribuer à la péréquation et garantir l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique ». Cela pourrait avoir des répercussions sur les clients (les opérateurs commerciaux sont libres de répercuter ou non les ajustements de prix). Dans tous les cas, la « variation ne devrait pas être démesurée » pour les clients, selon Philippe Le Grand. Une chose est sûre : « les coûts ne sont pas les mêmes en zone rurale et en zone urbaine ».

Avec ces grandes lignes, Patrick Chaize affirme tenir un projet « cohérent, ambitieux et autofinancé ». Il prend le problème dans sa globalité et non brique par brique, sinon cela « bloquerait la discussion » car « on dépend les uns des autres ». Il souhaite maintenant réunir autour d'une même table l'ensemble des acteurs, chacun avec ses attentes et ses doléances.

Autant dire que c'est loin d'être gagné, le travail étant « titanesque », avec cette multitude d'acteurs. Patrick Chaize et Philippe Le Grand en sont conscients, mais pensent qu'il est possible – indispensable serait plus juste – d'arriver à trouver une solution.

Et maintenant ?

Il y a deux voies possibles selon eux : « Si le gouvernement veut se saisir [de ce projet] et propose de travailler pour mettre notre feuille de route sur la table et la concrétiser, il aura évidemment avec lui tous les industriels et les collectivités. On a une chance historique d'avoir une convergence d'intérêt autour d'un plan global », explique Philippe Le Grand. 

Patrick Chaize abonde. Selon lui, la question est assez simple : « est-ce que le ministre veut porter ce projet ? ». Si la réponse est non, alors « on prendra l’initiative ». Pour simplifier, ce sera donc soit un projet de loi du gouvernement, soit ce sera une proposition de loi du sénateur, en fonction de qui portera le projet. 

En attendant, « l’évaluation financière et les modalités de fonctionnement découlant des principes de ce pacte vont être affinées dans les prochaines semaines afin de vous être exposées le 16 mai prochain, lors de la présentation de l’Observatoire annuel du THD » de l'Avicca. 

« Concrètement, les choses ont déjà commencé », affirme Patrick Chaize. Des échanges ont eu lieu avec le cabinet du ministre, le conseiller du Président et l'Arcep (régulateur des télécoms) qui, dans l'ensemble, partageraient le même constat et la vision de l'Avicca et d'InfraNum. « Tous les acteurs se disent que c’est une bonne action », renchérit le sénateur. Il rejoint Philippe Le Grand sur le fait que « les planètes sont alignées » en ce moment. 

Nous lui demandons si cela change quelque chose à la proposition de loi coercitive annoncée l'annoncée dernière : « Pour l’instant, je garde les deux en parallèle, car je pense qu’il y a une urgence sur le sujet », explique Patrick Chaize. La proposition de loi coercitive est toujours à l'ordre du jour et devrait être étudiée ce semestre. Si besoin, elle pourra par la suite « être reprise dans un texte global ».

 

Commentaires (3)


J’aime bien le principe de “réussite inachevée” 😎. Je dirai un truc similaire à ma prochaine évaluation de performance (je me moque, hein ^^).


« On n’a pas forcément échoué, mais […] on n’a pas totalement réussi »



ça aussi*..ça me fait penser “à l’autre” et son ‘en-même-temps” !!!




  • j’aime bien :francais:


Donc en gros, ils se disent qu’un service publique des infras télécom serait pas une mauvaise idée.
Mais vu que c’est un gros mot, on invente tout un tas d’usine à gaz pour dire que s’en est pas un.


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