Ennuyé par ses réunions Zoom, il prouve l'existence de volcans actifs sur Vénus

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
17 mars 2023 à 14h00
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Vénus sans ses nuages (carte générée par les données de Magellan) © NASA
Vénus sans ses nuages (carte générée par les données de Magellan) © NASA

En comparant des images radars de la mission Magellan de la NASA autour de Vénus, le chercheur Robert Herrick a finalement réussi à trouver une preuve directe de volcanisme actif. Ce résultat était supposé depuis des décennies, et on le doit finalement en partie à… l'ennui généré par des heures de réunion.

Mais aussi à beaucoup de travail, l'ennui, ça ne fait pas tout !

Cette réunion aurait pu être un e-mail

C'est une découverte qui a le mérite de commencer dans le quotidien de millions de travailleurs au cœur de la pandémie de 2020 : un trop-plein de réunions Zoom. Robert Herrick, chercheur à l'Institut de géophysique de l'université de l'Alaska s'ennuie et décide d'utiliser ces heures « perdues » pour observer et comparer des images radars de Vénus.

Ces dernières sont issues de la mission Magellan, arrivée autour de la planète il y a presque 33 ans, en août 1990. Et contrairement à ce que l'on peut imaginer, les montagnes de données de cette mission, qui a duré quatre ans, n'ont pas toutes été entièrement exploitées. L'arrivée de l'exploitation numérique mène alors à envoyer aux chercheurs des piles de CD avec les « images », jusqu'à ce qu'elles soient renumérisées, indexées et stockées en ligne, deux décennies plus tard.

Maat Mons sur Vénus (et sous les nuages) © NASA / JPL-Caltech
Maat Mons sur Vénus (et sous les nuages) © NASA / JPL-Caltech

Die Hard : Vénus

La planète Vénus est entièrement recouverte de plusieurs couches nuageuses, à différentes altitudes, de différentes compositions et densités. La météorologie y est complexe, à une exception près. En effet, on sait qu'à la surface, c'est l'enfer tous les jours : 450 °C, un sol stérilisé par les pluies acides, des vents importants et une pression de surface de 75 bars environ. Toutefois, c'est la planète la plus proche de la Terre, avec une taille similaire et sans doute un processus de formation qui lui ressemble.

Est-elle donc si inactive que cela ? Depuis les missions soviétiques Venera dans les années 70, puis 80, les chercheurs soupçonnent différentes régions d'héberger des volcans actifs (car l'enfer ne serait pas complet sans des tremblements de terre et des coulées de lave). La mission Venus Express de l'ESA a ensuite posé des bases concluantes, mais sans pouvoir y apporter de preuve directe. C'est là qu'intervient la recherche de Robert Herrick.

Robert devient Volcano Man

Ce dernier s'est focalisé sur les relevés radars de deux volcans suspectés d'être actifs sur Venus, Ozza Mons et Maat Mons. L'orbite de la sonde Magellan ne permettait pas une revisite (passer au-dessus d'un point à un intervalle fixe pour des observations fixes) idéale, il a donc dû fouiller les données disponibles durant 200 heures environ, en les comparant manuellement. Et finalement, il a pu observer un changement qui avait eu lieu entre février et octobre 1991 sur la pente nord de Maat Mons. Le flanc du volcan a changé. Une zone de plusieurs kilomètres carrés n'est plus la même et présente toutes les caractéristiques d'une coulée de lave.

Mais s'il s'agissait d'un simple glissement de terrain ? Le chercheur a travaillé avec Scott Hensley, l'un de ses collègues au laboratoire JPL, qui a modélisé la zone et testé des dizaines de scénarios de simulation. Et bingo, c'est bien une coulée volcanique. La nouvelle fait grand bruit, car à moins d'observer directement la coulée en formation, on ne peut pas produire de preuve plus directe. C'est un progrès important pour mieux comprendre Vénus et ses processus internes, et qui fera peut-être même avancer la planétologie toute entière (jusqu'ici, on pensait que seules la Terre et la lune de Jupiter Io possédaient des volcans actifs). Et cela apporte des sites de choix à observer dans le futur !

La comparaison d'image à l'origine de cette confirmation © Robert Herrick / UAF
La comparaison d'image à l'origine de cette confirmation © Robert Herrick / UAF

In budgeto VERITAS

L'étape suivante est naturellement d'aller vérifier avec de nouvelles mesures, que ce soit pour cette zone en particulier ou pour l'étude par radar de la surface sur un nouvel intervalle de temps conséquent. Non seulement les radars se sont énormément améliorés, mais en plus, depuis Magellan, aucune autre sonde n'est partie compléter le travail.

Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle à ce sujet. La bonne, c'est que la NASA a déjà approuvé une mission avec une sonde radar vénusienne : VERITAS. Mais ironiquement, il faut savoir qu'après un audit lancé l'année dernière pour pointer les problèmes liés à la mission Psyché, le laboratoire JPL a été considérablement bridé… jusqu'à voir certains budgets taillés à la machette.

Cela touche directement VERITAS. Si la proposition de budget 2024 est acceptée, la mission ne recevra que 1,5 million de dollars, soit le salaire de la petite équipe consacrée. Le projet est donc à l'arrêt. Dans la communauté scientifique, l'article et la présentation officielle ne sont sortis que depuis deux jours, mais là aussi, le volcan gronde !

Source : NASA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (13)

xryl
c’est l’enfer tous les jours : 450 °C, un sol stérilisé par les pluies acides, des vents importants et une pression de surface de 75 bars environ.<br /> 450°C, probablement mais pas partout. Un sol stérilisé? Sérieux ? Parce que c’est UHT c’est ça ?<br /> La pression au sol de vénus, c’est 93 bars, pas 75.<br /> Autant, il n’y a quasiment aucune chance d’y trouver de la vie comme sur Terre au sol, il faut savoir que 100 bars, c’est pas la mort (de très nombreux animaux marins vivent à des centaines de bars, et autour des 120 degrés). Il existe aussi des bactéries qui vivent en pH 3 (acidophiles). Donc impossible de déduire que la planète est stérile.<br /> De plus, vu la densité atmosphérique, la flottabilité est possible pour une cellule à des dizaines de kilomètres, là où justement la température est entre -10°C et 300°C (suivant l’altitude). Les tardigrades peuvent survivre à 1200bars, entre -272°C et 151°C, sans eau, etc…
nicgrover
Un pastis sous le Soleil serait le bienvenu mais sans glaçons, ça le fait pas…<br /> Promis je ne fait plus que de bonnes actions, ne voulant pas me retrouver sur Venus après mon décès…
Catstom
Au moins quelques chose d’intelligent… Plutôt que ces crises de réunionites aiguës qui affectent beaucoup trop d’entreprises
ABC
Joli teasing !
ebottlaender
Stérilisé ne se réfère pas qu’au processus UHT…<br /> Stérile, dans ses définitions, est « un sol impropre à la production agricole », avec comme synonyme « désertique, improductif, infertile ». C’est ce sens là qui est utilisé ici.<br /> Et le tardigrade, capable de survivre dans le vide absolu, n’est peut-être pas la meilleure référence pour dire qu’un environnement est vivable.
pecore
Si tous les gens qui s’ennuient au travail pouvaient avoir des idées comme celles-là, nous aurions déjà une basse permanente sur Venus.<br /> Et oui, la propension dans beaucoup de milieu à faire des réunions qui ne servent à rien n’est pas nouvelle, surtout depuis qu’on a créé les conf-calls
Belgarath
Mont Ozza, Mont Matt. Il n’y a pas de volcan appelé mont de Vénus ? <br /> Oh pardon !
orionb1
bah je constate justement que depuis que les réunions ne sont plus obligatoirement en présentiel, on peut gagner beaucoup en productivité en répondant à des mails et en faisant du travail durant une réunion ni vu ni connu
Martin_Penwald
Et puis survivre, oui, mais évoluer ?<br /> Le tardigrade reste une bestiole fascinante.
salvia34
Je savais pas que y’avait autant d’astrophysiciens chez les commentateurs clubiciens !
LeChien
Et donc ?
Zimt
Avant de « tomber » progressivement dans des profondeurs aux conditions extrêmes, les animaux marin dont vous parlez, ont tous eux leur primo-formation organique (acides aminées, cellules, etc) constitués en surface.
moomsman
Tout cela est connu et expliqué dans le livre de vie de l’agneau
salvia34
Bah rien de nouveau en soi sauf que les lecteurs risquent de lire beaucoup d’âneries
LeChien
Entre profane et expert, il n’y a pas le néant.<br /> Si je déduis bien la petite phrase plus haut (avant la nuance « risquer de »), sans un titre validé dans un (le) domaine, on est forcément un âne.<br /> Donc autant ne pas s’y intéresser ?<br /> Des générations de vulgarisateurs, experts en leurs domaines, doivent apprécier.
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